Par les prises de conscience corporelle, émotionnelle, énergétique, mentale et spirituelle qu’il propose, le chant est un outil privilégié d’exploration de soi et de la relation à l’autre. Il s’inscrit en ce sens dans une démarche d’épanouissement personnel et de qualité d’être, où l’espace du souffle dans sa fonction physiologique naturelle ou altérée, joue un rôle indispensable et indissociable.

Le chant

De tout temps, chez les peuples des plus anciens et de toutes cultures jusqu’à nos jours, le chant tient une place importante, accompagnant célébrations, fêtes traditionnelles, cérémonies et rituels à travers tous les âges de notre vie. Acte naturel, du profane au Sacré, il est une forme de communication et de partage.

Il est détente et plaisir. Il agit sur le corps qu’il sculpte et unifie. En libérant des émotions, il ouvre le cœur de l’homme. Le chant est outil de recharge énergétique par l’activation de la fonction d’écoute et relève le taux vibratoire en dynamisant les cellules endormies. Il aide à défaire les nœuds qui rendent l’énergie prisonnière et permet à l’homme de trouver sa place, en conscience et résonance. Dans son effet émetteur-récepteur, le chant est don de soi à l’autre, qui écoute et en reçoit toutes vibrations. Par l’épanouissement de la fonction respiratoire, il agit sur la santé. Un diaphragme souple et mobile va activer les systèmes cardiovasculaire et digestif, et jouer un rôle de drainant. Au-delà d’une technique, par ses diverses actions, il se révèle thérapeutique.

Au fur et à mesure, les séances vont révéler les mécanismes de protection mis en place, les tensions accumulées qui empêchent la voix de sortir, et mettre en lumière le désir d’être au monde et de communiquer.

La voix

Empreinte unique à chaque être, la voix est un chemin d’écoute par le rapport étroit qu’elle entretient avec l’oreille (pour reproduire un son, il faut au préalable l’avoir écouté). Elle se construit dès la vie fœtale. En effet, le fœtus entend divers sons par conduction osseuse, reconnait plus particulièrement la voix de sa mère, et en perçoit autant les vibrations que le climat affectif. Puis, dès la naissance, lorsque l’air pénètre dans ses poumons, le bébé tendant tout son corps, pousse son premier cri et devient acteur. Il est « un ». C’est la première manifestation de cette voix. Au fur et à mesure qu’il grandit, la voix se construit et se fait l’écho de la personnalité à travers le timbre, la hauteur, la fluidité, l’intensité, le rythme, les silences, la faculté d’écouter… le souffle se développe, le petit être traversant tous les âges de la vie se verticalise.

Tout état affectif, tout évènement traumatisant, toute perturbation d’ordre psychologique (stress, joie, anxiété, peur, colère…) vécu au cours de cette construction, aura un impact sur la phonation, la posture et la fonction respiratoire. Axe vertébral, souffle, expressivité s’en trouveront modifiés, étouffés ou altérés. De nombreuses expressions viennent imager ces états « rester sans voix, avoir le souffle coupé, manquer d’air, rester bouche bée, être à  bout de souffle, avoir la gorge nouée… ».

Il est intéressant, à ce stade, de noter que le larynx, organe mobile, siège de l’émission vocale dans son rôle de vibrateur (il contient les deux cordes vocales qui transforment l’air en vibration), témoin de nos serrages ou de notre fluidité à dire, se révèle un carrefour émotionnel au même titre que le diaphragme.

Le chant thérapeutique, dans son approche holistique, va permettre d’explorer les multiples outils d’expression, d’éclairer les mécanismes phonatoires mis en place, de visiter blocages et résistances et s’en libérer, de s’ouvrir à de nouvelles sensations et émotions, vers une voix libre, sans tension ni forçage, une respiration ample et souple, un édifice vertical.

Chanter, c’est une posture

Le chant utilise le corps dans sa totalité et nécessite souplesse et tonicité dans une tension juste. En observant certaines postures, la personne est soit ramassée sur elle-même, la cage thoracique comprimée, une zone lombaire désaxée, témoignages d’une certaine lourdeur au sol ; soit elle utilise plutôt le haut du corps, sans enracinement, ce qui a pour conséquence de mettre le larynx et toute la musculature du cou en tension ; soit elle est trop en avant et n’a pas de prise au sol par les talons, soit trop en arrière, ayant perdu son axe. Dans tous les cas, le diaphragme manque de soutien et de mobilité et le souffle ne peut circuler dans tout son espace.

Pour que la colonne vertébrale devienne un arbre chantant et vibrant, cela nécessite conjointement une force qui s’enfonce par toute la plante des pieds dans le sol, et une force qui s’élève vers le ciel, libérant le haut du corps, à l’image d’une torsion ou vrille. L’énergie tellurique va soutenir cet enracinement, simultanément à l’énergie cosmique, qui va jouer son rôle d’élévation, relevant la tête et libérant la nuque, dans un axe horizontal et vertical.

Ces deux forces agissant en souplesse et équilibre pour que souffle et voix se fécondent, libérent le chant dans toutes ses vibrations et témoignent d’un bon centre de gravité. Le corps se verticalise, le soufflent s’épanouit. Le thérapeute va doser et orienter ses interventions de façon harmonieuse afin d’équilibrer le fixe et le mobile, la détente et la dynamique, le lâcher-prise et la concentration. Progressivement, la personne prend conscience de sa forme, s’épanouit et devient Présence.

Chanter, c’est une respiration

Si le chant réclame une bonne posture corporelle, il nécessite, et développe à la fois, une bonne respiration. Les deux mouvements inspire et expire font partie des rythmes de l’Univers, du « souffle de vie », énergie indispensable à chaque être. L’homme peut rester plusieurs jours sans manger, quelques heures sans boire, quelques secondes sans respirer. C’est le diaphragme, muscle fin et lisse en forme de coupole, s’abaisse et s’élève au rythme de la respiration tel un piston. Il sépare le thorax de l’abdomen. A l’inspiration, l’air pénètre par le nez, la bouche, le larynx, et les bronches jusqu’aux poumons qui se remplissent. Le diaphragme s’abaisse, écartant les côtés et dilatant la cage thoracique. Repoussant les viscères, il gonfle légèrement la sangle abdominale et la sangle pubienne. Sur l’expiration, le diaphragme remonte progressivement, les sangles abdominales et pubiennes rentrent, l’abdomen accompagne cette remontée et sert au soutien de la voix. C’est la « respiration costo-abdominale ».

Chez le bébé, cette respiration est calme, libre et profonde. Elle va du bas vers le haut, sans blocages. Au fur et à mesure qu’il grandit il se construit, tensions, peurs, insécurité, traumatismes viendront perturber ce processus naturel. Lorsqu’une personne est fatiguée, tendue, affectée, le souffle a tendance à s’altérer et se fait le miroir de l’état intérieur et d’une véritable stratégie face au monde extérieur.

Les séances de chant thérapeutique vont veiller à restaurer le processus physiologique, en souplesse et sans pression. Petit à petit, prises de conscience et ressentis vont libérer les tensions au niveau de la nuque, des muscles du cou et de toute la ceinture scapulaire. La tête retrouve une position naturelle, le larynx (qui s’abaisse et remonte en même temps que le diaphragme) une suspension souple, les douleurs cervicales s’estompent, la voix se dévoile, le chant se libère, affranchi des causes qui empêchaient le souffle de s’incarner. La respiration naturelle retrouvée rassemble à ce moment tous les étages du corps, apportant une assise. Augmenter la mobilité du diaphragme augmente la capacité respiratoire et participe à la centration.

«Plus nous descendons dans le corps, plus nous libérons les dualités du haut ».

L’homme unifié, confiant, libéré de toutes attentes, fausses croyances et comparaisons, s’épanouit dans sa propre expression. Dans une harmonie du corps, du cœur et de l’esprit, il est acteur et vibre sur sa note fondamentale.

Anne Parain – Art-thérapeute par le chant